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Le pays de Gaume

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Si l'on suit la route Florenville-Virton-Habay-la-Neuve, on peut se faire une image du genre de paysage que l'on trouve dans ce petit morceau de terre étrangère qui fait encore partie de la Belgique: la Lorraine belge, ou le pays de Gaume. Il s'agit d'une région fort découpée, faite de collines et de vallées, couvertes successivement de bois et de prés. Cette région charmante mais fort mal connue porte un nom à consonance espagnole: le 'Paysage de cuesta': les dos de collines parallèles sont formés de pierre calcaire et de grès durs et ont mieux résisté à la pluie, au gel et au vent que la marne, plus tendre, qui constitue les dépressions. En raison de cette érosion qui a agi sur des éléments durs et tendres, la roche dure des flancs de colline en pente raide est couverte de bois, tandis que les pentes douces, orientées vers le sud, sont cultivées. Et ça et là, de petits villages hospitaliers sont parsemés entre les champs: des villages typiques, formés d'une grand-rue, dans laquelle sont alignées principalement des fermes côte à côte, qui nous viennent, intactes souvent, des XVIlle-XIXe siècles. Comparée à celle des Ardennes, la densité d'habitations est ici beaucoup plus élevée: alors que sur les terres pauvres des Ardennes, défavorisées par un climat rude, un kilomètre carré ne comptait qu'une à dix maisons, dans cette région, ce chiffre passe à 11 à 25 habitations par kilomètre carré.  Le climat plus doux et la fertilité du sol n'y sont pas étrangers.

Au milieu des vastes prairies, les villages s'étendent tels des galons bordant les larges rues principales comparables à des boulevards. Mais ces larges rues ont une raison d'être: le tas de fumier, le tracteur et la charrue, la charrette à foin ou à bois restent toujours devant la porte de la grange. Le 'domaine' du paysan lorrain comprend 'son' morceau de rue, la route ne servant pas uniquement de liaison, mais aussi comme entrepôt devant sa porte, le 'devant d'uch ' La place du village est reliée à la grand-rue et sert de lieu de rencontre ou de récréation, pour jouer à la pétanque! Parfois, la route se ramifie: le village est formé alors de deux ou trois routes parallèles, reliées entre elles par des routes transversales, toujours aussi larges.

La façon dont ces grand-rues se sont formées est expliquée de différentes manières par différents auteurs, mais deux facteurs surtout ont influencé fortement cette décision des paysans de vivre les uns à côté des autres, aux siècles derniers: l'approvisionnement en eau et le système agricole.

En effet, dans une région de cuesta, il est préférable de s'installer à certains endroits bien précis afin de pouvoir s'approvisionner en eau: la chaux et la marne sont perméables, de sorte que seuls quelques endroits peuvent abriter une source ou un petit ruisseau. D'autre part, l'assolement triennal commun fut encore utilisé au fin fond du sud-est de la Belgique jusqu'au XIXe siècle, toutes les activités agricoles à peu près étant des activités communes au village, et toutes les terres étant travaillées en commun: un tiers pour les cultures d'hiver, un tiers pour celles d'été et un tiers pour la jachère, tandis que le troupeau du village paissait dans les prairies vertes et les chaumis.  Mais ceci n'explique toujours pas pourquoi en Lorraine précisément, les fermes étaient construites côte à côte. M. Lefèvre doit reconnaître que "  nous n'avons trouvé jusqu'à présent aucune explication de la disposition en rues des villages lorrains" ... Peut-être que des raisons comme une plus grande facilité de défense, une économie de matériaux de construction et surtout une tradition solide, ont joué un rôle dans ce choix. Dans une esquisse historique des villages lorrains, X.  de Planhol, nous montre dès le milieu du moyen âge, des villages formés ainsi de rues; pendant les périodes de déclin économique et de dépeuplement, des 'trous' apparurent dans les villages, laissant certaines fermes isolées, mais après la guerre de trente ans au XVIle  siècle, cette image fut reconstituée, surtout pendant les périodes de forte hausse de population, aux XVIlle  et XIXe siècles.

Mais, quoi qu'il en soit, inspectons un peu ces fermes lorraines de plus près. Tous les bâtiments, aussi bien les étables et la grange que le logis, se trouvent sous le même toit . Ils sont parfois rangés les uns à côté des autres comme en Ardennes, l'ensemble étant subdivisé en trois ‘sections', assez profondes et étroites. Mais les étables et la grange peuvent aussi se trouver au rez-de-chaussée, tandis que la partie habitation, à l'étage, est accessible par un long couloir et un escalier. Mais toutes possèdent un étage, au-dessus duquel se trouve le grenier à foin. Cette habitation en trois parties (ou, éventuellement, en deux parties avec un couloir), surmontée d'un étage et d'un grenier à foin  le tout étiré en profondeur, donne un ensemble plutôt 'cubique': une maison cubique développée en profondeur, selon les termes de M. Lefèvre. Telles sont les 'fermes en rang' du XVIIIe  et du XIXe siècles que l'on peut encore voir notamment à Habay-la-Vieille,  Gérouville, Torgny ou Ruette . Mais cette répartition en trois parties posait un problème: comment éclairer toutes les pièces d'une maison ainsi divisée, dont les deux murs transversaux sont flanqués d'une autre maison ? Pour la pièce à l'arrière, le 'poêle' ou la 'chambre  arrière', il n'y avait pas de problème; de même pour la pièce ou la cuisine placée du côté de la rue, le soleil pouvant y pénétrer facilement. Mais le plus compliqué était d'éclairer la pièce du milieu, la cuisine, par exemple: seule une faible lumière y pénétrait par la cheminée. Dans les cas, plus rares, où il n'y avait pas de maison mitoyenne, lorsque la ferme se trouvait au coin, par exemple, un mur supplémentaire pouvait être percé de fenêtres.

Une autre expression de la vie communautaire en Lorraine, les lavoirs publics, est aujourd'hui en voie de disparition au pays de Gaume. Ce petit édifice, dont on peut encore admirer un exemplaire au musée à ciel ouvert de St-Hubert, se trouvait au centre du village: les femmes y allaient non seulement faire la lessive, mais elles y faisaient aussi circuler tous les potins du village. C'est pourquoi ces lavoirs furent baptisés du nom pittoresque de ’chambre des députés'.